Immatériel

À l’atelier, le nouveau thème était de décrire un voyage immatériel qui aurait une influence sur la destinée de personnages… Le texte qui nous a été présenté comme exemple racontait le trajet de l’odeur du pain venu d’une boulangerie…

Je vous laisse découvrir le texte que j’ai écrit avec, en prime, un petit dessin qui n’a rien à voir !


Elle ouvrait sa fenêtre à vingt heures. Comme nous tous. Alors, les cris fusaient au milieu des applaudissements. La rue s’animait quelques instants, puis le silence retombait. C’était comme un signal pour elle. Nous retenions notre souffle et la première note vibrait. Une simple note de piano qui trouvait écho dans nos cœurs blessés. Ce soir, elle avait choisi Chopin. Elle ne jouait pas pour nous remonter le moral. Elle jouait la mélancolie. Elle nous rappelait le monde d’avant, sans confinement, sans cet enfermement qui nous rongeait les sens. Sa musique passait par la fenêtre, pénétrait dans nos salons, louvoyait lentement et prenait possession des lieux et de nos âmes. Une fois qu’elle nous avait capturés, elle ouvrait une nouvelle fenêtre vers un monde interdit, un monde du passé qui sombrait dans l’oubli.

Un déluge de notes résonne, pour une tempête sauvage. Au milieu de la nature hostile, sa musique me fouette au visage, comme le vent furieux des glaciers. Je sens les éléments, ils se déchaînent contre moi. Accroché à mon bâton, j’avance pas à pas. Je courbe le dos, baisse la tête vers le sol en signe de soumission. C’est si fort. Si brutal. Je me sens si vivant ! J’existe. Je suis un homme, minuscule au milieu de la Création. La montagne rugit autant qu’elle gémit. Elle chasse l’importun. Et pourtant, je marche. Vers où ? Vers le bout du chemin ? Ou vers la gueule du loup ? Je n’en sais rien.

Deux notes hésitent et se brisent. C’est l’accalmie. Les nuages se séparent et s’ouvrent sur la vallée. C’est la beauté pure du monde. Virginale. Originelle. Et je me mets à pleurer. Des larmes comme un soulagement. Est-ce la fin du voyage ? Mais la musique s’emballe, virevolte et devient grave. Le tonnerre gronde. Ce sont des coups de butoir vers un final grandiose. J’ai peur d’être foudroyé tant la musique résonne. C’est ma prison qui vacille, menace de s’effondrer sur moi. J’ai envie de crier, mais ma gorge est nouée.

Dans un dernier sanglot, la musique se tait dans un silence gêné. La nature ravagée, le calme est retombé. Je reste quelques instants sans bouger. La rue reste muette. Elle est apaisée. Pas un bruit ne vient plus la troubler. Je me suis assis sans même m’en apercevoir. Mon corps est épuisé, il est plein de larmes. Je me relève, je ne peux plus rester assis, enfermé entre mes quatre murs. Je ne peux pas attendre le monde d’après, le monde d’avant ou celui de maintenant. Je veux un nouveau présent. Il faut que je me sorte de là. Que j’agisse. Que je vive !

Je m’habille, chausse mes baskets et ouvre la porte d’entrée d’un grand geste. L’extérieur. C’est devenu l’inconnu. Un monde hostile où l’on avance masqué. Je prends mon courage à deux mains et monte à l’étage. Ce n’est qu’un petit voyage pour une grande aventure.

Antipathique

Nouvelle séance à l’atelier. Cette fois-ci, nous devions présenter un personnage à contre-courant, antipathique. Comme j’ai eu en tête immédiatement des collègues et que j’avais déjà, plus ou moins, traité le sujet, il me fallait trouver autre chose… Je vous laisse donc le découvrir ici :

Antipathique

Après des mois de confinement, j’étais presque content de retrouver le collège. Je préférais être en classe avec mes amis plutôt qu’en visioconférence. Bien sûr, pendant les cours en ligne, nous étions sur nos portables à nous envoyer des messages, mais ce n’était pas pareil. J’avais envie de reprendre les cours IRL.

Je revenais au collège de bonne humeur, prêt à en découdre pour ma dernière année, mais voilà qu’on me gâcha ma rentrée. Alors que nous étions dans la cour, entassés comme des bestiaux, attendant d’être appelés, je me retrouvais en 3èmeB. La 3èmeB… La classe de Monsieur Varenne. Non seulement il serait mon professeur de physique-chimie, mais aussi mon professeur principal. D’une pierre, deux coups dans ma gueule ! J’avais vécu le confinement comme un soulagement de ne plus avoir à le côtoyer. Il me terrorisait. Il nous terrorisait. Son regard était si noir, si dur ! Acéré. Accusateur. Dès qu’il nous fixait, nous nous sentions coupables. De quoi ? Nous ne n’en savions rien. Derrière son masque, ses yeux étaient plus perçants encore. Ils envahissaient la pièce comme un serpent qui louvoie. C’était l’œil de Sauron qui nous guettait sans cesse et jetait à nos trousses ses armées d’orques affamés.

Sa bouche était dissimulée derrière son masque, chirurgical. Qu’importe, nous ne l’avions jamais vu sourire. Son visage restait toujours fermé, sa mâchoire serrée. Et quand elle s’ouvrait pour nous appeler, notre sang se glaçait. Nos réponses ne le satisfaisaient jamais. Il répondait d’un simple « non », sonore et assassin. Il était exigeant. Intransigeant. Inflexible. Il répondait inexorablement par la négative.

Quand il mettait sa blouse, on aurait dit un savant fou. Avec son masque et ses gants, on l’imaginait disséquant des animaux morts dans son laboratoire. On disait que les tâches bordeaux sur sa poche avant droite était du sang, mais sans doute était-ce son stylo rouge qui avait coulé. Dans tous les cas, c’était effrayant. Sur les copies, ses remarques étaient sans appel.

« Peut mieux faire. »

« Doit mieux faire. »

« Que dire ? »

Que dire ? Et les encouragements ? Ne devait-il pas être bienveillant ? Il voulait toujours plus, mais nous n’avions que treize ans. L’âge bête, pas l’âge de raison. Ses consignes n’étaient faites que d’interdits, comme les dix commandements.

Tu ne parleras point.

Tu ne te lèveras point.

Tu ne convoiteras pas la copie de ton voisin.

Oh ! Divin il l’était sûrement. Au moins à moitié. Il mesurait dans les deux mètres et nous regardait de haut. Quand je l’avais croisé la première fois, je n’étais qu’en sixième. Je m’étais retourné et il était juste derrière moi. J’avais sursauté et levé la tête pour voir son visage. Il m’avait lancé un regard comme autant de reproche. Pas besoin de dire un mot. Le silence était une de ses armes. Il aimait se taire et attendre. Et alors, comme les animaux se taisent avant la tempête, le silence se faisait dans la classe. Car nous avions tous connu ses hurlements primaires. L’orage furieux qui s’abat quand a chuté le vent.

Il s’appelait Boris Varenne, mais nous l’appelions Varennovitch. Sans doute était-il un ancien membre de la mafia russe, exilé en France pour avoir raté une opération. Le KGB était à ses trousses, c’était certain. On disait qu’il distillait de la vodka dans son laboratoire pour Monsieur Souleray. Je l’imaginais dans un film d’action, à jouer le tueur sans pitié qui tue femmes et enfants avec un air blasé et cruel.

Parfois, on se demandait ce que vivaient ses enfants. Quelle torture pour eux ! Leur faisait-il faire des exercices toute la journée ? Même les weekends ? Même les vacances ?! Mais avait-il seulement des enfants ? Pouvait-il trouver une femme qui satisfasse à ses exigences, qui soit à sa hauteur ?

Ce matin-là, à la rentrée 2020, dans la salle de classe 201, il nous regardait avec nos masques, nos yeux déjà fatigués d’avoir dû se lever au petit matin. Le silence habille la pièce, nous attendions la sentence. Alors il déclare, d’une voix grave qui porte trop loin :

— Je suis bien content de vous retrouver.

Je ne pouvais pas en dire autant.

Projets littéraires

Alors que le confinement a été un frein quasi-complet à mes écrits, mes vacances en randonnée m’ont permis une nouvelle fois de stimuler ma créativité et d’écrire en 2 semaines plus qu’en 4 mois…

J’en ai déjà parlé : j’écris surtout en déplacement : à pied, en métro, dans le train… Ces moments où le cerveau est libéré me stimulent. Ainsi, la randonnée avec ses heures à marcher est un puissant catalyseur. Sans compter qu’en vacances, sans ordinateur ni télévision, j’ai du temps pour écrire.

Petite revue de ce que j’ai bossé pendant ces 15 jours à la montagne, avec des extraits de texte compris.

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Chemins détournés sur Kindle

J’ai profité du confinement pour publier mon recueil de nouvelles Chemins détournés sur la plateforme Kindle d’Amazon. Vous pouvez donc désormais télécharger le livre sous version numérique pour la modique somme de 3€.

ACHETER LE LIVRE SUR KINDLE

Un rappel de ce qu’est ce livre :

Chemins détournés explore le thème du voyage et de ses aléas. Sur les routes de Norvège aux Highlands écossais, en passant par la baie d’Ha Long, les personnages voient leur routes diverger et prendre un tour inattendu.

Sur ce, je vous souhaite une bonne lecture. Si certains souhaitent une version papier, c’est toujours possible, il me reste un peu de stock !

Un mythe

Confinement oblige, la session à l’atelier de la semaine dernière risque d’être la dernière avant quelques temps… Je ne désespère pas que les propositions puissent nous être envoyées par mail, même si sans les lectures de groupe, cela perd aussi de l’intérêt.

La séance de lundi dernier concernait donc les mythes. Il nous été proposé de nous réapproprier un mythe, en le modernisant et/ou en en décrivant une scène précisément (raconter, par exemple, pourquoi Orphée se retourne).

J’avais bossé sur les mythes (notamment bibliques) lors de ma série de strips Le Septième Ciel. J’adorais écrire cette BD, mais elle n’a jamais trouvé son public. J’en ai profité pour la remettre en ligne sur le blog. Vous pouvez la lire ICI.

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Nombres

La session à l’atelier d’écriture portait sur les nombres. Elle se basait sur un ouvrage, Databiographie de Charly Delwart. Dans ce livre autobiographique, l’auteur utilise les nombres et les statistiques comme autant de moyens de raconter sa vie. Les pages sont également agrémentées de diagrammes et graphiques variés.

Nous avions donc à écrire un texte où les statistiques, les nombres, construiraient un personnage. Le tout pour une durée d’écriture de 45 minutes.

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Un bruit

Nouvelle session à l’atelier d’écriture. Le sujet était cette fois-ci de décrire un lieu uniquement par les bruits et les sons. Il fallait donc utiliser essentiellement ce sens et arriver à décrire l’atmosphère du lieu. Le temps d’écriture était plus court que d’habitude : 40 minutes à tout casser.

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Sans précipitation

À ma dernière séance d’écriture, il fallait se baser sur une photo d’August Sander pour écrire. Le photographe a officié pendant la République de Weimar, puis pendant le IIIème Reich comme portraitiste. Récemment, une exposition au Mémorial de la Shoah avait mis ses portraits en vis-à-vis, opposant persécuteurs et persécutés.

La séance s’est faite en trois temps :

  • Décrire la photo
  • Titrer la photo
  • Raconter ce qui se passe dans la tête du modèle pendant la photo

Nous avions un large panel de photos où nous pouvions piocher. Je n’ai pu m’empêcher de prendre un chimiste… Le titre que j’ai choisi est celui de l’article. Je vous laisse avec la photo et la partie fiction. Le temps d’écriture total était d’une bonne heure.

Photographie par August Sander
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Focalisation externe

Parfois, à l’atelier, un thème ou une contrainte tombe et tout le monde se regarde avec circonspection. C’était le cas à notre dernière soirée où il fallait utiliser la focalisation externe. Le narrateur assiste à une scène mais n’intervient pas et ne donne pas son ressenti de ce qu’il voit (même si ce ressenti bien évidemment ressort forcément un peu).

Temps d’écriture : 50 minutes.

L’Ennui #2
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Des mains

Douzième séance à l’atelier d’écriture. Cette fois-ci, on s’intéressait aux mains, aux gestes ou, plus généralement, au corps. Le rythme de l’atelier commence à s’installer doucement : une séance avec des textes narratifs sur un thème, une séance avec des fragments, des exercices plus tortueux.

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Une expression idiomatique

Pour le dernier atelier d’écriture de l’année, le thème était de rendre une expression idiomatique réelle. Ces expressions imagées, typiques d’une langue, ont été notamment rendues tangibles chez Boris Vian qui aimait jouer avec.

Pour cet atelier, nous avons eu droit à… 20 minutes d’écriture. Il ne fallait pas traîner.

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Une rencontre

Nouvel épisode à l’atelier : écrire sur une rencontre. Si le sujet est relativement simple, il m’a posé le problème suivant : j’avais déjà plusieurs fois traité d’une rencontre dans mes textes (apparition, des choses, vêtement). C’est assez logique puisque j’aime dans l’écriture, c’est parler des gens.

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