Chaque année depuis 2011 je participe aux 23 heures de la bande-dessinée. L’occasion de repousser les limites de la bande-dessinée et d’explorer un peu des contrées inconnues. Les conditions des l’édition 2015 étaient les suivantes :
- le thème : Les Naufragés
- la contrainte était de faire apparaître David Hasselhof avec un T-shirt “I love Piak”.
Si le thème était dans la tradition des 23hBD (c’est-à-dire suffisamment large pour permettre aux dessinateurs de se l’approprier), la contrainte était une private joke de mauvais goût. Je l’ai pour ma part expédiée avec un poster dans la chambre de l’enfant.
Trouver une histoire exploitable rapidement.
Lors de la première heure, j’ai donc cherché une histoire. Ce que je ne voulais pas (et que j’ai vu dans beaucoup d’histoires), c’est un mec sur une île qui ne se rappelle plus pourquoi il est là. Typiquement le genre de scénario où on commence à dessiner sans trop savoir où l’on va. Voilà les idées qui me sont venues :
- un jeune prof naufragé en collège ZEP (mais ça me paraissait un peu tiré par les cheveux)
- des provinciaux naufragés à Paris (mais il fallait dessiner Paris et pour les 23h c’était trop galère)
- des Parisiens naufragés dans la Creuse ou la Picardie (mais tenir une BD entière dessus ça paraissait compliqué)
- des touristes naufragés chez les naturistes en Ardèche (mais là aussi, quel intérêt ?)
La première page de recherche.
Ressortir les projets du carton, une nouvelle tradition ?
Je me suis alors rappelé d’un vieux projet de BD jeunesse, Jeux d’enfants. Lors du festival de Puteaux d’il y a trois ans, je développe l’idée d’un petit garçon qui s’imagine une histoire. Celle-ci est toujours perturbée par sa sœur. J’avais écrit la première séquence, sur le monde des cowboys. L’idée était de décliner sur tous les univers classiques de jeu (conquête spatiale, pirates, guerre, etc.). J’avais en tête un diptyque : premier tome pour les jeux de garçons, deuxième tome pour les jeux de fille. Le tout était prévu un numérique (c’était l’époque où on croyait que le numérique permettrait de faire des choses incroyable en BD…) avec des fondus de cases lorsqu’on passait de l’univers fantasmé à l’univers réel.
Bref, les 23h me donnaient l’occasion de tester le concept en l’adaptant aux pirates.
Afin de bien construire l’ensemble, j’écris quelques premières idées, puis me lance dans le scénario de façon plus construite. J’écris l’histoire du pirate, puis intercale les scènes annexes. Ainsi, le kraken était à l’origine la sœur et non la mère !
Maintenir une qualité graphique sur les 23 heures.
Niveau dessin, j’ai relu ma participation de l’année dernière, Un Cas d’Espèce et j’ai été très déçu du résultat. Trop ambitieux graphiquement, le dessin est inégal et parfois franchement moche. J’ai gardé ça en tête et ai évité de bâcler des cases, même si rien n’est parfait bien évidemment.
Je suis parti sur un papier de bonne qualité : 250 g/m². Cela me donnait un vrai confort. Ce sont de grandes pages en A3 où j’ai dessiné deux pages (en A4 paysage) dessus. Cela m’a aussi permis de dessiner les encadrements de façon plus efficace.
J’ai encré le tout à la plume. C’est très galère, surtout que cela donne inévitablement des bavures quand la fatigue se fait sentir. Mais je suis très à l’aise avec et le feutre donne un résultat sans délié qui me gêne. J’ai utilisé deux plumes de tailles différentes pour faire des avants-plans qui ressortent plus. Les aplats sont faits au feutre pinceau.
Un exemple de l’utilisation pertinente de la grosse plume : les déliés sont imposants et donnent du volume au Kraken.
Au niveau des références, on notera Calvin & Hobbes de Bill Watterson, notamment dans son utilisation de Spiff le spationaute. Du coup, mon projet m’est apparu pas si original que ça. De quoi le replonger dans mes tiroirs ? Certainement !
Pour dessiner les pirates et tout ce qui y a trait, je me suis basé sur le dessin de Masbou dans De Cape et de Crocs. Cela m’a servi de référence pour dessiner le bateau de pirate, l’hippopotame pirate, le chapeau du garçon, le kraken, etc. Le temps étant limité, difficile de passer du temps à faire des recherches complexes…
Masquer les limites graphiques.
Afin d’éviter d’avoir une bande-dessinée moche, il faut savoir frapper “fort” graphiquement régulièrement dans l’histoire, avec des grandes cases notamment, et éviter l’effet “plus le temps passe, moins je dessine bien”. Beaucoup utilisent des formats proches du strip pour garder un dessin constant (et peu fatigant). C’est un bon moyen de produire une bande-dessinée de qualité. Comme je ne suis pas doué pour le strip, j’essaie à l’inverse d’innover avec des mises en pages travaillées.
Au niveau du rythme, après avoir atteint le rythme d’une page par heure au tiers de l’épreuve, j’ai accéléré pour atteindre près de deux pages par heure. On va alors plus à l’essentiel.
Une planche typique de fin d’épreuve : les personnages sont vus de loin et dessinés en raccourcis ! On remarque que je n’ai pas fait l’effort d’y dessiner les filles (en sirènes) afin de gagner du temps.