Un coup de chaud

Depuis mes vacances suédoises, cet été, un projet littéraire est né, appelé Le Sauna. Au fur et à mesure des semaines, il prend de l’ampleur. Il est temps pour moi de vous en parler un peu plus.

Les lecteurs de mon recueil de nouvelles Chemins détournés le savent, j’aime écrire des récits fictionnels sur mes voyages. Ainsi, l’année dernière, de retour du Pérou, j’avais commencé à concevoir une histoire (et les personnages qui vont avec) se passant sur le Chemin des Incas. Comme c’était ma première randonnée organisée, j’avais de quoi raconter. Mais j’avais ressenti une forme de répétition qui m’avait quelque peu bloqué. La randonnée, la montagne… Quoi d’autre ?

En Suède, j’ai commencé à écrire un nouveau projet alors que j’étais encore présent là-bas. Les pages se sont accumulées (comme les idées) et un fil rouge s’est dégagé. Mon idée est de faire du personnage principal un peintre. Et surtout, il ne part pas seul comme dans mes autres textes. Cela permet d’éviter le côté auto-centré. Les retours sur mon précédent livre était que les nouvelles les plus fictionnelles étaient les plus percutantes (et aussi les plus longues). La fiction ajoutait du suspense.

Lors de l’écriture, ce sont 5 personnages qui se développent au fur et à mesure, bien que l’histoire soit centrée sur Pierre, le narrateur. J’ai enrichi le tout de flashbacks afin d’éviter la linéarité de la narration (les personnages marchent de refuge en refuge). Cela m’a permis par exemple d’intégrer quelques réflexions sur le Pérou que j’avais prévu pour ma nouvelle abandonnée…

En développant tout cela, Le Sauna dépasse le cadre de la nouvelle. Les anglo-saxons (notamment les Américains) ont plusieurs catégories pour cela :

  • Histoire courte (< 7 500 mots)
  • Novelette (entre 7500 et 18 000 mots)
  • Novella (entre 17 500 et 40 000 mots)

La version actuelle, écrite à 80%, du Sauna, approche les 17 000 mots. En cela, je me rapproche des écrits de Jim Harrison, l’un de mes auteurs favoris. Beaucoup de ses livres sont des recueils de trois novellas. Un des rares auteurs que j’ai pu lire en version originale.

J’aime tellement Jim Harrison, que je l’ai dessiné par mon carnet à dessin.

Au départ, j’avais imaginé y mettre mes peintures sur le sauna. Je n’en avais faite qu’une, mais une seconde était en chantier. Hélas, après y avoir pensé des heures dessus, j’ai fini par jeter l’éponge. La faute notamment à une image de référence aux lumières trop vives et je ne suis pas arrivé à créer une nouvelle ambiance.

Parfois, on rate des trucs. Alors il faut juste savoir abandonner et repartir sur autre chose.

Au-delà du chemin de randonnée, je voulais parler de l’amour que j’ai éprouvé pour certaines peintres nordiques. Ainsi, le personnage est peintre et c’est cet attirance pour la peinture scandinave qui le motive à partir en Suède. Je profite alors du texte pour que le personnage évoque certains tableaux. Mais comme lorsqu’un auteur parle de musique, c’est toujours frustrant si on ne connait pas les chansons invoquées. Ainsi, je décide d’ajouter au projet une part de dessin. Chaque tableau dont parle Pierre sera reproduite à l’encre et intégrée au texte de la nouvelle.

Cela rejoint mon travail sur Chemins détournés où chaque nouvelle était assortie d’un haïku illustré. En plus, cela m’a poussé à farfouiller dans mes photos pour retrouver des tableaux qui pourraient correspondre à des scènes de la nouvelle et, ainsi, à l’enrichir d’autant plus.

J’ai donc commencé à faire des tests de reproduction en noir et blanc de ces peintures. Ce n’est pas évident. Mon premier est sur une peinture de Peder Balke. C’est du noir et blanc pur. Je tenterai sûrement des approches avec des lavis à l’encre de chine pour pouvoir jouer des nuances :

Peder Balke, un de mes peintres de paysages préférés. En noir et blanc, c’est forcément moins bien, mais ça donne une idée de la peinture.

Je précise que j’ai prévu de ne mettre que des peintures que j’ai véritablement vues. Balke est norvégien, mais j’ai vu cette peinture à Oslo. Et ses peintures sont très présentes en Suède puisque, pendant longtemps, Suède et Norvège étaient un même pays.


Quelle publication ?

Le projet devenant ambitieux, je commence à penser à l’objet final. D’abord pensé pour être publié simplement sur le blog (ou en PDF), j’imagine désormais un livre. En cela, je pourrais publier un nouveau bouquin avec cette novella assorti de mes derniers textes (notamment ceux provenant de l’atelier d’écriture ainsi que ceux restés inédits). Et pourquoi pas une publication sur Amazon ?

Wait & see !


Je pouvais difficilement parler de tout cela sans vous fournir un petit extrait quand même… J’ai choisi un passage qui cumule les trois thèmes abordés dans le texte : les femmes, la nature, la peinture. Ayez conscience que ce n’est pas le texte final, on est proche du premier jet.

Dans la cuisine, une famille allemande prenait son petit déjeuner. Les seaux d’eau potable étaient vides. Je descendis jusqu’à la rivière récupérer de l’eau. Beaucoup d’efforts pour un pauvre café soluble qui me retournerait l’estomac. Si j’avais su, j’y serai allé pendant mon escapade nocturne. Pendant que les seaux se remplissaient, des moustiques s’invitaient au festin. Quel plaisir que ce retour à la nature ! En revenant, je m’imaginais la chambre d’hôtel où nous logerions après la randonnée. Une douche. Des toilettes. Des draps. Un coussin. Un buffet au petit-déjeuner, plein de charcuteries, de bacon, de boulettes de viande, d’œufs brouillés, de pain et biscottes aux graines de céréales. Le confort me manquait.

Lena me rejoignit et me proposa de porter l’un des seaux. J’avais pu voir combien son corps était plus musclé que le mien, je n’hésitai pas une seconde à lui refiler le bébé. Elle me demanda comment je trouvais son pays, et par « pays » je compris qu’elle parlait de la Laponie et non de la Suède.

Son pays, c’était la pureté virginale. Un autre monde, hors du temps. Une planète lointaine et inconnue, hostile aux hommes, préservée de ses souillures. La nature y était aussi belle que sauvage, aussi splendide que dangereuse. Un diamant brut, brillant des milles feux du soleil de minuit. Si les dieux existaient, ici se tiendrait leur demeure. C’était l’Éden, ancestral, archaïque.

Dommage qu’il n’y ait pas l’eau chaude.

C’était ce que je voulais lui dire, mais j’avais si peu de mots pour l’exprimer. En anglais, je m’arrêtais à des « it’s beautiful » et « I love it ». Quelle platitude affligeante ! J’aurais aimé lui parler de sa beauté à elle. Lena, petite et trapue au milieu des grandes suédoises, avait de quoi être complexée. Ses grands yeux, bridés pourtant, m’hypnotisaient. Leur bleu, si clair, leur donnait un côté rieur. Ses deux longues tresses qui retombaient sur ses épaules la rajeunissaient d’autant. Des femmes comme elle, j’en avais vues dans les tableaux d’Anders Zorn. La travailleuse des champs, des forêts, qui portaient les outils et le bois.  Celle qui n’avait pas peur de l’effort, dont la peau était tannée par le soleil. J’avais envie de m’abandonner dans ses bras puissants et me laisser guider pour son plus grand plaisir.


Et pour terminer, la peinture associée d’Anders Zorn :

Anders Zorn – La gardienne de vaches

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