Le storyboard

makingofCette année, j’ai participé à un atelier de bande-dessinée. Cela m’a forcé à adopter plus de rigueur dans la construction de mes pages. Après des mois de labeur, j’ai pu terminer cinq pages en noir et blanc (format A3) de La Chasseuse d’Hommes. Contrairement à la plupart de mes projets, j’ai ici travaillé avec beaucoup de dessins de recherche et des storyboards remaniés. Et j’ai saisi tout le bienfait que cela apportait. Retour sur la page 4, qui a été pas mal remaniée entre sa première et sa dernière version.

Dans le scénario originel, la page 4 était particulièrement fourni. Après des tentatives infructueuses au niveau du storyboard, j’ai décidé de scinder le tout en deux pages. Cela me permettait de dessiner des cases plus grandes (et donc graphiquement plus abouties) et d’ajouter un peu de narration pour lier le tout. En bref, on y gagnait de la fluidité. Après remaniement, j’obtenais le storyboard suivant :

La dernière case (effacée) représente la chasseuse dans son bain, vu de haut.
La dernière case (effacée) représente la chasseuse dans son bain, vu de haut.

Cette version n’était pas mauvaise en soi. J’aimais bien l’idée de cases verticales, mais les deux petites cases carrées (4 et 5) manquaient vraiment d’intérêt. Le dialogue paraissait limité et on ne voyait pas la fille repartir. Bref, quelque chose n’allait pas. Afin de réfléchir aux améliorations, je me lançais dans des recherches. Ici, les idées sont esquissées uniquement (cela se voit au niveau du dessin, franchement mauvais). Cela me permet de placer les personnages, les dialogues, les masses de noir, etc. Ainsi, on peut mieux visualiser les erreurs.

Comment adapter un storyboard à une image que l'on trouve percutante ?
Comment adapter un storyboard à une image que l’on trouve percutante ?

Je me lançais sur la première case. C’est une case de transition qui fait suite à une ellipse (changement de temps et de lieu) et elle doit marquer le lecteur immédiatement. Pour cela, je m’inspire d’une première recherche faite des mois auparavant lors de mes recherches de personnages où l’on voyait Diane dans son bain, dans une bassine, avec les pieds qui sortent. Rapidement j’obtenais une idée qui me paraissait parfaitement rendre ce que je souhaitais. On y voit Diane dans son bain, complètement détendue.  Cette fois, elle croise ses jambes, ce qui donne plus de volume et de perspective. Et contrairement à ce qui est prévu dans le storyboard (case 1), la vue est en plongée. On aperçoit donc le corps de la femme. Le bras qui sort, les jambes croisées, tout laisse penser à la détente. Je valide rapidement cette idée, mais je dois alors changer le storyboard. Cette case n’est pas horizontale, mais carrée. Je dois donc tout revoir dans la construction de la page.

Savoir s’adapter : modifier, ajouter, supprimer.

Je précise qu’à ce moment-là, je fais corriger mon étude par mon prof afin d’éviter les problèmes d’anatomie. Car si l’idée de la détente dans le bain est plutôt bien rendue, il y a de vrais soucis, notamment sur l’épaule, les jambes et, bien sûr, le pied. C’est là que l’atelier possède un véritable intérêt. Cela permet de corriger les détails et, surtout, de voir comment ils sont corrigés par le prof !

Dans le même esprit, je n’aime pas trop mon idée de dernière case. Un peu trop voyeuse dans l’esprit. Et j’ai peur que le dessin ne soit pas particulièrement beau. Ainsi, pour fluidifier le dialogue, je décide d’utiliser cette case comme une continuité. Le dialogue s’arrêtera d’ailleurs au début de la page suivante. Clairement, le storyboard permet d’améliorer grandement la narration, car on améliore par multiples retouches la construction de base.

Dans un projet différent, L’éveil des sens, je profite également de la première version pour à la fois m’inspirer de ce que j’avais fait et pour voir les lacunes de cette même version. Les pages datant de plusieurs années en arrière me servent de storyboard ! Ainsi, dans une page (non-publiée encore), j’ai changé le sens de la case afin que la camion et le regard de l’enfant soient tournés vers la droite, ce qui facilite la lecture (un grand classique de la bande-dessinée !).

Voilà donc la nouvelle version du storyboard, une fois remanié. Ce changement implique du coup un changement également pour la page suivante.

Nouvelle version plus fluide
Nouvelle version plus fluide

Ici, je garde quand même certaines composantes, comme la case verticale du fusil ou la case 2. Cette dernière n’est pas si réussie et marquera le plus gros souci de la planche. En effet, devenue verticale, elle est désormais trop grande. Il y a donc un grand vide dans la version finale. Malgré tout, la narration y gagne beaucoup avec les cases centrales. La case horizontale où la chasseuse tient en joue la fille est plus percutante ainsi, le fusil étant visible et central désormais. Quant aux deux cases dialoguées, mises côte-à-côte, elles fonctionnent bien mieux et semblent se répondre. Enfin, la dernière case, avec le regard dure de la chasseuse et la voix de la fille hors champ, elle accentue le caractère fort de l’héroïne. L’ancienne version, où l’on voyait la fille dépité, mettait plutôt l’accent sur une forme de timidité du personnage secondaire, ce qui n’était pas forcément le but recherché. Je vous laisse avec les photos des crayonnés et de la planche.

La publication de ces 5 pages est prévue à la fin du mois (lorsque mon atelier sera terminé). Avec un peu de chance, vous en aurez même 6 ! Et avec ma nouvelle façon de publier, tout sera publié d’un coup. Afin de profiter à plein de cet atelier, je le continue l’année prochaine. L’idée est de travailler cette fois-ci sur Le huitième péché capital. A confirmer d’ici-là !

La case a été entièrement redessiné. On remarquera les traits de perspectives et les marques pour le texte, signe d'un plus grand soin général dans la construction de la planche.
La case a été entièrement redessiné. On remarquera les traits de perspectives et les marques pour le texte, signe d’un plus grand soin général dans la construction de la planche.
Outre la main à dessiner, le plus dur ici était de savoir où mettre la bulle !
Outre la main à dessiner, le plus dur ici était de savoir où mettre la bulle !

 

Le crayonné. La dernière case a été faite à la table lumineuse car la version du storyboard était d'un niveau suffisant.
Le crayonné. La dernière case a été faite à la table lumineuse car la version du storyboard était d’un niveau suffisant.
La planche finale, enfin !
La planche finale, enfin !

 

0 réflexion sur « Le storyboard  »

  1. En ce qui me concerne, je commence avant tout par placer les bulles ( ou les modules texte), et j’organise ou j’imagine ensuite mon dessin en fonction de leur situation. ( Par exemple dans le cas de deux bulles formant dialogue dans la même case ,ça oblige forcément d’emblée le personnage qui parle en premier à être logiquement à gauche de la case)… c’est un truc qui permet de s’ assurer de la lisibilité de la planche ou de sa logique narrative avant même de commencer à dessiner, ou d’éviter la tendance qu’on a tous de créer des cases qui seront belles mais qui ne s’intégreront pas etc… – et ça évite surtout de galérer ensuite pour placer les bulles ! – Une page qui fonctionne doit presque être compréhensible sans les dessins : les story-boards d’ Hergé semblent fonctionner sur le même principe… il ne doit donc pas être si mauvais … ( mais bon, à chacun de trouver les règles qui lui conviennent, bien sûr !)

    1. La place des bulles est en effet essentielle.

      Par contre, Hergé ce n’est pas forcément ma référence. Il a apporté à la BD, c’est indéniable. Mais bon, on a fait autre chose depuis ! 😉

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