Un titre en vue

article_analyseRégulièrement, quelqu’un me fait une remarque sur mon titre (imprononçable soi-disant) de « Jotunheimen . Avec le festival de BD de Puteaux (qui se tient actuellement), c’était l’occasion de discuter avec des copains bédéastes du choix des titres d’ouvrages. Comment bien choisir son titre ? Doit-on ajouter un sous-titre ? Comment faire en sorte que le titre soit percutant et pertinent sans trop révéler le contenu du livre ?

Le plus simple, avant de parler de « Jotunheimen » est de reprendre tous les titres que j’ai pu trouver par le passé et d’essayer d’y déceler une évolution et voir si j’ai été plus pertinent dans le passé… J’ai toujours trouvé mes titres immédiatement après la conception des prémisses de l’univers et/ou de l’histoire. Et j’ai suivi mes intuitions à chaque fois, sans changer un seul mot. Au risque de m’être trompé ?

Steven & Norbert

Série de strips faisant intervenir les personnages du même nom, le titre est donc pertinent. C’est l’histoire d’un petit-fils qui rend visite à son grand-père. Le titre montre donc bien l’opposition des générations par un prénom “jeune” et américain et un prénom quelque peu passé de mode.

BlongO

Série de strips faisant intervenir un hippopotame. C’est le nom du personnage. Je ne suis pas allé chercher bien loin !

tout à l’ego

Bande-dessinée autobiographique, le titre le montre bien avec le terme “ego”. En plus, ça fait un jeu de mot. Du coup, c’est devenu le nom du blog.

Le septième ciel

Plus obscur ici… Le septième ciel est le nom du bar où se retrouve les divinités, messies et autres personnalités religieuses. Le tout est blasphématoire avant tout. Du coup, le titre est pertinent puisque l’allusion sexuelle est assez évidente.

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le huitième péché capital

Décidément, j’aime les nombre… Ici, on rentre dans le vif du sujet car l’histoire raconte l’instauration d’un huitième péché capital. Le titre laisse en plus la surprise sur la nature de ce nouveau péché.

L’éveil des sens

Un petit garçon découvre les relations garçons/filles  et les premiers émois. J’aime beaucoup ce titre qui décrit plutôt bien l’ouvrage.

Le modèle vivant

Ici aussi j’aime beaucoup le titre, même si son interprétation est souvent faussée. Je joue de l’ambiguïté du mot “modèle”. Dans le livre, le “modèle” est le personnage principal qui s’inspire de sa vie pour écrire une bande-dessinée. Mais intervient également un femme au cours de modèle vivant… Bref, la plupart des lecteurs pensent que le sujet est la modèle avant tout. La couverture par contre est explicite sur le sujet du livre.

La chasseuse d’hommes

Encore un titre avec un double sens. Le seul défaut : il dévoile une partie de l’intrigue.

Histoire de teaser un peu, en ce moment j’ai bien envie de me remettre au projet. Mais bon, c’est pour dans deux ans.

Salle des profs

Un titre hélas déjà pris par le défunt Charb, mais il est parfaitement explicite. Ici on parle des profs entre eux et pas en classe !

Ce titre pose donc des problèmes à mes lecteurs qui s’en plaignent pour deux raisons:

  • Ils ne savent pas le prononcer
  • Ils n’arrivent pas à le retenir

titre_SDPassons donc d’avoir à la prononciation ! L’erreur la plus classique est de prononcer le “jo” en “ro”, façon espagnole. Mais le Norvégien est une langue dérivée de l’Allemand et le “jo” doit donc se prononce “yo” (comme pour le mot allemand “Ja”).

Considérez que vous avez de la chance que le titre ne contienne pas les termes spécifiques de cette langue : Ø, Æ, Å… J’étais un peu déçu d’ailleurs. Ça aurait été encore plus drôle à écrire !

Concernant le titre en soit, le parc du Jotunheimen est au centre de l’intrigue, puisque c’est là que s’effectue la randonnée du personnage. Et, en soit, le parc est un personnage à part entière vu son influence sur le héros (là je tease un peu). Conscient qu’un titre que l’on ne retient pas est mauvais pour le bouche à oreille, j’ai quand même cherché autre chose comme titre, sans trouver réellement quoi que ce soit de pertinent. Franchement, “Jotunheimen” signifie en norvégien “pays des géants”. C’est un peu pourri comme titre et ça fait histoire fantastique pour les enfants.

J’ai donc regardé un peu les titres de ma bibliothèque qui parlait de voyage pour voir ce que ça donnait. Outre le très beau « Route 78 » qui mixe le nom d’une route bien connue avec l’année du voyage, on retrouve des trucs assez bateau. Et après tout, Guy Delisle a bien nommé l’un de ses livres « Pyongyang » ou « Shenzen ». Détail amusant : en changeant d’éditeur, c’est devenu « Chroniques birmanes » et « Chroniques de Jérusalem ».

Rien n’est définitif tant que livre ne sera pas imprimé. « Jotunheimen » pourrait changer de nom, mais je n’en vois pas l’intérêt actuellement. Les ventes de mes livres restent cantonnées en très grande partie à des connaissances et à des lecteurs très réguliers du blog. Alors le titre du livre ne me paraît pas avoir une importance capitale !

 

Je suis complètement décalqué

makingofAujourd’hui, je vous présente une des astuces qui m’a été soufflée par mon prof pour faire la case 5 de la planche 11. Cette case a été maintes fois repensée avant d’arriver à sa version finale.

Dans la planche, plusieurs étapes se succèdent assez rapidement, mais logiquement : le personnage arrive à l’aéroport, récupère ses bagages, sort de l’aéroport, prend le bus puis arrive à son hôtel. Voilà le scénario (sommaire) écrit pour cette planche :

case_scénario

Et le storyboard correspondant, d’une taille ridicule (agrandi ici pour l’occasion !)

case_storyboard

Avec cette base (conçue il y a plusieurs mois lors de l’écriture du scénario), je retravaille un storyboard plus abouti sur un format A4. J’écris cette fois les textes, afin de pouvoir les placer et de voir s’ils ne sont pas trop longs.

case_storyboard2

A ce moment là, il y a une case de plus dans la narration qui permet de mettre une pause en plein centre. La case qui nous intéresse (où le personnage demande “Trondheim train station ?” à l’entrée d’un bus) est à peine plus détaillée que sur le précédent storyboard. Le problème ici est que j’ai storyboardé un peu à l’arrache sur une feuille A4, certes, mais dans un format presque carré. Du coup, une fois tracé sur la planche, les cases du milieu ne sont pas carrées mais verticales. Et pour les trois cases, ça ne va pas. Je recompose donc le tout avec les deux première au format paysage et la case 5 au format carré. Tout cela convient bien mieux, il est temps de réaliser le tout.

La vue pensée pour la case 5 est assez complexe dans le sens où l’on voit le personnage en train de monter (ou de se pencher) à l’intérieur du bus. Après quelques recherches du genre “intérieur bus” ou “porte bus”, je finis par trouver une image référence qui correspond à ce que je cherche :

case_reference

Je pose donc mes trois points de fuite et réalise le décor. En soit, pas de difficulté particulière. Une fois les points de fuite posé, il suffit d’y aller tranquillement. C’est l’avantage de la perspective, on ne peut pas vraiment se tromper.

case_décor

L’idée est de poser le décor pour ensuite ajouter le personnage à l’intérieur. C’est beaucoup plus simple que d’adapter un décor à un personnage, surtout qu’ici la position n’est pas forcément évidente. Mon prof me propose alors de dessiner le personnage sur un calque, afin de ne pas avoir à gommer mon décor lors de la réalisation. En bon élève, je m’exécute :

case_personnage

On peut remarquer les petites marques sur les côtés qui délimitent la case. Elles permettent de bien recaler le calque quand on l’a enlevé. Le calque est scotché à la planche pendant la réalisation.

Superposés, voilà ce que ça donne :

case_crayon

A ce moment-là, je m’aperçois que ça ne va pas. Le personnage est trop bas. Soit le bus est très haut sur roue, soit le pied est sous le bus… Bref, ça ne va pas. Comme on est sur calque, on ne s’embête pas, on relève simplement le calque.

case_crayon2

Il ne reste plus qu’à recopier le personnage à la table lumineuse. Pour cela, je l’encre rapidement au feutre pour mieux voir les traits. C’est fait très rapidement, les ajustements de posture et de tracés se font directement sur la planche.

case_personnage2

Ensuite, on encre :

case_fin

Voilà pour le détail de création de cette planche assez différente de ce que je fais habituellement. Même si cela semble long et fastidieux, cela ne m’a pas pris forcément beaucoup de temps. Du coup, j’ai réutilisé cette façon de faire dès la première case de la planche suivante. Je prends énormément de plaisir à utiliser ces techniques traditionnelles qui ne sont pas sans rappeler la façon de travailler aujourd’hui sur Photoshop !

Saloperie de couleur de merde

La dernière planche de Jotunheimen commence à dater. C’est du (entre autres) à cette foutue couleur à faire, Je me suis mis à coloriser la première planche et après une première case sans trop d’encombre (malgré un temps passé dessus), tout me gonfle et j’ai bien du mal à passer plus de 15 minutes à avancer ma colo.

Honnêtement, ça m’inquiète vraiment, car cette souffrance risque de peser sur mes choix graphiques. Et il ne faut pas que j’appauvrisse mes planches juste parce que la colo me rend fou.

page01_couleur_test2

La case du désespoir (non-terminée). Non seulement c’est moche, mais il est pas impossible que je la redessine complètement à terme…

Bref, je suis en plein creux de la vague et je doute de tout en ce moment. Heureusement, mon atelier BD m’oblige à me replonger dans la suite et à DESSINER. Et là, le plaisir est évidemment immédiat. Une petite avant-première puisque je vous ai beaucoup négligé :

AutorouteCrayonné

A bientôt pour de nouvelles aventures et n’oubliez pas : la couleur, c’est le mal !

Refaire une case

makingofRefaire une case est toujours désagréable, surtout quand elle a été encrée et colorisée ! Mais c’est parfois nécessaire. Dans le cas de Jotunheimen, j’avais réalisé la première case de l’album, avant tout pour me rassurer sur ma capacité à dessiner une grande case de décor urbain. Lors de la réalisation de cette première page, la question s’est donc posée : fallait-il refaire cette case ? La réponse : oui !

Tout d’abord, une petite comparaison entre les deux cases. Elles ont été réalisées sur le même format et le même type de papier.

case_01_a

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Ce qui marque ici, c’est la finesse de l’encrage pour la deuxième version, notamment sur les fenêtres du ministère. Mais la composition elle-même est différente. Ainsi, la bâtiment prend plus de place, tant horizontalement que verticalement. Il donne bien plus l’impression d’avancer sur la Seine, tout comme le viaduc à droite, moins fuyant.

case_01_superposition

On voit bien avec la superposition des cases cette composition légèrement différente. La case est également plus haute, pour des raisons de mise en page. C’est aussi la différence entre faire une case isolée et l’intégrer réellement dans une planche !

case_01_détails

C’est alors l’occasion de retravailler le bâtiment et d’ajouter des détails. Je souhaitais d’abord corriger le problème des “pieds”, qui avaient une perspective suspecte. En suite, j’ai détaillé différents éléments, donnant un peu plus de volume et de profondeur à l’ensemble. Ce n’était pas énormément de travail, mais, satisfait du premier essai, je savais que j’allais y arriver et j’ai donc pu corriger les endroits trop simplistes.

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J’en ai profité pour ajouter le viaduc du métro, qui donne un peu plus d’identité à la page et un détail typique de Paris supplémentaire. Cela intègre mieux le pont qui vient ensuite et le métro correspondant.

case_01_oiseaux

Maintenant que je sais mettre des oiseaux dans les pages, je ne m’en suis pas privé… Trois niveaux de profondeur ici.

case_01_encrage

J’en ai profité pour essayer d’avoir un encrage plus intéressant. Outre la finesse de certains traits, j’ai ajouté une barrière en haut à gauche, j’ai affiné l’ombre à la fin de la passerelle pour mieux définir le volume et ai changé complètement ma façon d’encrer les pieds du bâtiment pour donner plus de volume et plus de noir aussi. Sous le pont, l’ombre sur le quai donne du volume au quai.

case_01_texte

Vu la nouvelle construction de la case, il paraissait plus intéressant d’écrire le texte sur deux lignes plutôt qu’une. Cela permet de mieux utiliser l’espace en haut à droite.

On pourra toujours me dire qu’une refonte complète de la case n’était pas forcément nécessaire. Mais dans un but d’amélioration, il aurait été dommage de ne pas modifier certains points et, malheureusement, cela passe souvent pas le fait de tout refaire. Et ce sont tous ces petits détails modifiés, mis bout à bout, qui, au final, me rendent satisfait de ma case. Ce qui n’était pas le cas avant !