Antipathique

Nouvelle séance à l’atelier. Cette fois-ci, nous devions présenter un personnage à contre-courant, antipathique. Comme j’ai eu en tête immédiatement des collègues et que j’avais déjà, plus ou moins, traité le sujet, il me fallait trouver autre chose… Je vous laisse donc le découvrir ici :

Antipathique

Après des mois de confinement, j’étais presque content de retrouver le collège. Je préférais être en classe avec mes amis plutôt qu’en visioconférence. Bien sûr, pendant les cours en ligne, nous étions sur nos portables à nous envoyer des messages, mais ce n’était pas pareil. J’avais envie de reprendre les cours IRL.

Je revenais au collège de bonne humeur, prêt à en découdre pour ma dernière année, mais voilà qu’on me gâcha ma rentrée. Alors que nous étions dans la cour, entassés comme des bestiaux, attendant d’être appelés, je me retrouvais en 3èmeB. La 3èmeB… La classe de Monsieur Varenne. Non seulement il serait mon professeur de physique-chimie, mais aussi mon professeur principal. D’une pierre, deux coups dans ma gueule ! J’avais vécu le confinement comme un soulagement de ne plus avoir à le côtoyer. Il me terrorisait. Il nous terrorisait. Son regard était si noir, si dur ! Acéré. Accusateur. Dès qu’il nous fixait, nous nous sentions coupables. De quoi ? Nous ne n’en savions rien. Derrière son masque, ses yeux étaient plus perçants encore. Ils envahissaient la pièce comme un serpent qui louvoie. C’était l’œil de Sauron qui nous guettait sans cesse et jetait à nos trousses ses armées d’orques affamés.

Sa bouche était dissimulée derrière son masque, chirurgical. Qu’importe, nous ne l’avions jamais vu sourire. Son visage restait toujours fermé, sa mâchoire serrée. Et quand elle s’ouvrait pour nous appeler, notre sang se glaçait. Nos réponses ne le satisfaisaient jamais. Il répondait d’un simple « non », sonore et assassin. Il était exigeant. Intransigeant. Inflexible. Il répondait inexorablement par la négative.

Quand il mettait sa blouse, on aurait dit un savant fou. Avec son masque et ses gants, on l’imaginait disséquant des animaux morts dans son laboratoire. On disait que les tâches bordeaux sur sa poche avant droite était du sang, mais sans doute était-ce son stylo rouge qui avait coulé. Dans tous les cas, c’était effrayant. Sur les copies, ses remarques étaient sans appel.

« Peut mieux faire. »

« Doit mieux faire. »

« Que dire ? »

Que dire ? Et les encouragements ? Ne devait-il pas être bienveillant ? Il voulait toujours plus, mais nous n’avions que treize ans. L’âge bête, pas l’âge de raison. Ses consignes n’étaient faites que d’interdits, comme les dix commandements.

Tu ne parleras point.

Tu ne te lèveras point.

Tu ne convoiteras pas la copie de ton voisin.

Oh ! Divin il l’était sûrement. Au moins à moitié. Il mesurait dans les deux mètres et nous regardait de haut. Quand je l’avais croisé la première fois, je n’étais qu’en sixième. Je m’étais retourné et il était juste derrière moi. J’avais sursauté et levé la tête pour voir son visage. Il m’avait lancé un regard comme autant de reproche. Pas besoin de dire un mot. Le silence était une de ses armes. Il aimait se taire et attendre. Et alors, comme les animaux se taisent avant la tempête, le silence se faisait dans la classe. Car nous avions tous connu ses hurlements primaires. L’orage furieux qui s’abat quand a chuté le vent.

Il s’appelait Boris Varenne, mais nous l’appelions Varennovitch. Sans doute était-il un ancien membre de la mafia russe, exilé en France pour avoir raté une opération. Le KGB était à ses trousses, c’était certain. On disait qu’il distillait de la vodka dans son laboratoire pour Monsieur Souleray. Je l’imaginais dans un film d’action, à jouer le tueur sans pitié qui tue femmes et enfants avec un air blasé et cruel.

Parfois, on se demandait ce que vivaient ses enfants. Quelle torture pour eux ! Leur faisait-il faire des exercices toute la journée ? Même les weekends ? Même les vacances ?! Mais avait-il seulement des enfants ? Pouvait-il trouver une femme qui satisfasse à ses exigences, qui soit à sa hauteur ?

Ce matin-là, à la rentrée 2020, dans la salle de classe 201, il nous regardait avec nos masques, nos yeux déjà fatigués d’avoir dû se lever au petit matin. Le silence habille la pièce, nous attendions la sentence. Alors il déclare, d’une voix grave qui porte trop loin :

— Je suis bien content de vous retrouver.

Je ne pouvais pas en dire autant.

Une apparition

Nouvelle séance à l’atelier d’écriture. Il fallait y faire apparaître un personnage. Après l’objet et le lieu, voilà qu’il fallait traiter un personnage. Pour mes plus fidèles (enfin, anciens surtout) lecteurs, vous le connaissez déjà…

Comme pour les fois précédentes, le texte n’a pas été retouché ensuite. Il le sera certainement lors d’une éventuelle publication en recueil.

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Travailler en parallèle

Depuis la fin de Jotunheimen, je m’efforce d’améliorer mon efficacité au dessin. La bande-dessinée est un art long et exigeant et il faut savoir mener son projet sur de longs mois (ou années). Ainsi, je travaille en parallèle pour avancer plus vite.

La réalisation d’une bande-dessinée comporte les étapes suivantes :

  • Écrire le scénario
  • Faire les études de personnages
  • Réaliser le storyboard
  • Réaliser le crayonné des pages
  • Encrer les pages
  • Coloriser les pages

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Besoin d’aide ?

Après le travail sur les couleurs, j’essaie d’améliorer les valeurs pour renforcer les ambiances.

Du coup, un problème vient s’ajouter : comment scanner mes aquarelles correctement ? Car en exposition, mes camarades m’ont bien signalé que le rendu « en vrai » comparé à ce que je propose sur écran sont très éloignés et ne mettent pas mes illustrations en valeur. Pour les illustrations, c’est déjà un problème. Mais quand on va parler de planches, d’un album entier qu’il faudra scanner, puis imprimer…

À chaque jour suffit sa peine, mais des fois on aimerait bien pouvoir se caler sur une technique sans que ça amène son lot de problèmes…

Jotunheimen – Post-mortem (2)

Après l’analyse du scénario, il me fallait passer au crible le dessin de Jotunheimen. De sacrés défis m’attendaient, ont-ils été relevés ?

Les ambitions

Lorsque j’ai écrit le scénario de Jotunheimen, je ne me suis pas mis de frein. Je voulais qu’il me pousse à dessiner des scènes qui me semblaient hors de portée de mon crayon. Chaque projet se doit de me faire progresser en dessin par de nouvelles ambitions.

Les difficultés envisagées pour Jotunheimen étaient les suivantes :

  • dessiner de grands paysages de montagne
  • dessiner des personnages plus réalistes
  • dessiner des voitures
  • dessiner des scènes de pluie
  • dessiner un torrent

On voit que si certaines ambitions sont générales, d’autres sont plus précises. Dès le départ, je sais quelles scènes vont me poser problème. Continuer la lecture de « Jotunheimen – Post-mortem (2) »

Le coup du lapin

article_analyseLe personnage principal de ma prochaine bande-dessinée, Alexis, est un lapin. Mais pourquoi cet animal et pas un autre ? Retour sur un choix pas si évident.

Voir un lapin comme héros de mes bande-dessinée est devenu au fil des ans une tradition. Tout à l’Ego, Le Modèle Vivant, Salle des Profs et L’Éveil des Sens l’ont prouvé… Sans compter les projets des 23 heures de la BD (What About Sex et Un cas d’espèce). La plupart sont de l’autobiographie ou de l’auto-fiction, d’où une certaine continuité. Mais avec Jotunheimen, un récit fictionnel, j’avais la possibilité de changer d’animal. Alors pourquoi rester sur le lapin ? Car au départ, mes premiers personnages étaient des êtres humains (Steven & Norbert) avant le premier animal qui fut Blongo, un hippopotame. Cet animal était d’ailleurs mon véritable animal totem. C’est pourquoi on le retrouvait dans Tout à l’Ego sous la forme de Petit Hippo. Mon tout premier dessin sur la toile fut d’ailleurs un hippopotame !

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Mon premier dessin publié sur internet

Ceux qui ont pu me rencontrer savent que l’hippopotame me correspond peu physiquement et il m’était difficile de me projeter dans cet animal. Il m’a donc fallu trouver un autre animal qui me paraissait plus adapté. Car l’intérêt du dessin anthropomorphe est justement de lier un aspect physique et psychologique avec l’image que l’on se fait d’un animal. Ainsi, vous êtes nombreux à me poser la question rituelle : « mais pourquoi un lapin ? »

Rechercher la facilité ?

Si pour Jutunheimen je suis parti sur le même animal, c’est avant pour n’avoir rien à changer ! Ne pas avoir à se triturer les méninges pour trouver un animal adéquat a forcément des avantages. Mais avec mes avis de changer graphiquement de style, mon travail de recherche reste le même. Ainsi, le museau et les oreilles du lapin seront très différentes entre L’Éveil des Sens et Jotunheimen. J’aurais pris un autre animal que cela m’aurait demandé autant de temps de travail. Cependant, je sais qu’en gardant le lapin, beaucoup vont interpréter mon récit de fiction comme une auto-fiction ou, plus encore, comme une autobiographie. Cela m’a toujours amusé, ce n’est donc pas un frein en soit !

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Malgré tout, dessiner le même animal est aussi l’occasion d’améliorer son dessin en faisant évoluer le personnage. D’avoir influencé par Mickey (Walt Disney), dont on retrouve le museau, je me tourne ensuite vers les production de Fabrice Tarrin, dont je ne parviens pas à retrouver alors la subtilité. Le museau se fait plus fin, les oreilles un peu moins longues et droites. Je finis par abandonner les yeux « complexes » en abordant le point sous l’influence du Combat Ordinaire de Manu Larcenet, entre autres. J’arrive à travailler l’expressivité malgré les limites techniques de ce genre de dessin. Après beaucoup d’efforts, j’arrive enfin à rajeunir le lapin pour dessiner L’Éveil des Sens. Pour cela, un museau plus court, une joue plus basse (qui arrondit le crâne) et des petites oreilles. Enfin, pour Jotunheimen, mes influences vont vers un dessin plus réaliste. Outre Oscar Marin qui m’a sacrément aidé avec Solo, on peut citer Blacksad de Guarnido & Diaz Canales et surtout Le Vent Dans Les Saules de Michel Plessix. Ces bande-dessinées me rappellent que mes animaux sont finalement peu caractérisés.

evolutionLapin

L’évolution des personnages lapin dans le temps

J’essaie donc de me libérer. Mon dessin plus réaliste m’a ainsi permis de dessiner quatre lapins d’une même famille suffisamment différents. La forme du museau, des oreilles et du crâne sont adaptés. Une révolution pour moi, car le fait de dessiner des animaux me permettait aussi de masquer mes problèmes de différenciation des personnages. J’en profite aussi pour bosser un peu plus les vêtements et accessoires. Un personnage se caractérise aussi par cela !

L’historique du lapin

lapinotLe lapin garde chez moi une grande marque affective de par le personnage de Lapinot (par Lewis Trondheim), l’une de mes séries de bande-dessinée préférées (et qui m’a donné envie de faire de la BD). Je peux noter aussi que Marvin Rouge (Donjon par Lewis Trondheim & Sfar) est aussi un personnage qui m’a marqué. Plus prosaïquement, quelle image peut renvoyer un lapin ? Un lapin est sympathique, mignon, fragile. On a envie de le protéger et de lui faire des câlins (le meilleur exemple étant Eusèbe dans De Capes et de Crocs de Masbou et Ayroles). Voilà un animal qui est ainsi parfaitement adapté à mon personnage.

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Une des difficulté est les grosses joues du lapin. Je ne suis pas fan des designs de Bugs Bunny ou de Coco Lapin. De même, un lapin peut vite troquer son côté innocent/naïf pour la bêtise (comme le personnage Garenni dans Canardo par Sokal). C’est donc tout un travail de parvenir à ne pas donner cette impression de naïveté trop poussée. Cette difficulté à dessiner un lapin plus réaliste a été suffisamment poussée pour que j’hésite à changer d’animal. Après tout, je l’avais bien fait pour Laura, passée de féline (chatte, renarde) à souris.

Sortir des mammifères.

MeilleurAmi_01Depuis que j’ai démarré le dessin anthropomorphe, j’ai du mal à sortir des mammifères. Ils le sont presque tous. On retrouve ainsi beaucoup d’animaux peu originaux : lapin, chat, chien, ours (et son cousin le panda), souris, écureuil… Ainsi, certains personnages ont été modifié d’ors et déjà afin d’amener un peu de visibilité à d’autres espèces moins utilisées par le passé : le perroquet à la place de l’écureuil pour la vendeuse, un chimpanzé à la place du lion pour le meilleur ami… Un lézard est prévu également dans l’histoire. Cet élargissement avait déjà été effectué timidement dans mes bande-dessinées précédentes et je souhaite le continuer.

Le choix d’un animal pour un personnage n’est pas innocent. Il est souvent porteur de sous-entendu et ne peut pas être fait à la légère. Mais outre le sens que l’on peut vouloir donner à ce choix, c’est aussi une question de plaisir et de variété graphique. Car à force de dessiner tout le temps les mêmes animaux, on se perd dans des automatismes et la lassitude peut pointer le bout de son museau. Heu… De son nez !

Liens
Phylacterium : Ichtyoscopie printanière
Wikipédia : Liste des lapins de fiction

Une jolie vendeuse

vendeuse_01Lors de la première scène de Jotunheimen apparaît une vendeuse. Même si son rôle reste mineur, je la voulais plutôt mignonne, voire sexy. Or, mon choix originel de la dessiner en écureuil commençait à prendre l’eau. En effet, j’avais du mal à la dessiner jolie. Ce dernier croquis que je vous montre m’a dessiné de changer de voie.

Je vois surtout poindre mon plus gros souci : les poses des personnages. Si je suis tout à fait capable de faire quelque chose de crédible d’après photo, j’ai bien du mal si j’invente. Le croquis ci-contre en est un parfait exemple et cumule ma principale tare : je dessine la tête du personnage puis le corps sans même penser à comment il se tiendra. Il en résulte des poses ridicules et terriblement statiques.

De même, le personnage manque de vie. Sa féminité est à peine marquée. Voulant tendre vers du semi-réalisme, je dois accentuer (enfin) les courbes de mes personnages, qu’ils soient féminins ou masculins.

Autre souci : je ne dessine quasiment que des mammifères. Bien décidé à changer, je tente le coup avec une perruche (ou approchant) et une coiffure que je n’avais encore jamais faite avec une belle frange. Le résultat me plait, je valide mon test.

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Là où je suis content c’est que je trouve le personnage mignon, plus que sexy. Je n’ai pas envie de tomber dans le travers où j’essaye de rendre toutes les nanas hyper canons pour titiller le libido du lecteur (ou de la lectrice).

Sexualiser le corps, c’est pas si simple.

Je tente alors des dessins avec des poses plus naturelles, qui font ressortir les formes du personnages (poitrine, taille, hanche) sans excès (c’est-à-dire éviter de faire des très gros seins pour accentuer le fait que c’est une femme).

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Pendant ce temps, le scénario s’écrit ! 😉